Réduction des émissions de carbone : Des mécanismes de solidarité sont nécessaires
Un accord européen sur la question du changement climatique a été atteint lors du dernier sommet des pays membres de l’Union Européenne, quelques semaines avant le Sommet de Lima devant définir le cadre autour duquel un nouveau régime climatique devra être établi l’an prochain à Paris. L’Europe s’est fixée trois objectifs et trois engagements chiffrés jusqu’en2030 ; réduire les émissions de CO2 d’au moins 40% (seul contraignant), porter la part des énergies renouvelables à 27% et économiser l’énergie à hauteur de 27%. Cet accord remplacera le plan connu sous la formule "3 fois 20" (20% de réduction d’émission de CO2, 20% du renouvelable dans le mix énergétique et 20% de gains en efficacité énergétique) adopté en 2009 et en vigueur jusqu’en 2020.
Bien que ce cap est déjà considéré comme un engagement important et un exemple à suivre par les grandes puissances, certains observateurs trouvent que ces objectifs sont bien en deçà de ce qui est attendu de l’Europe qui est un leader mondial dans la lutte contre le réchauffement climatique puisqu’elle possède les moyens et le savoir faire nécessaires pour hisser les ambitions de réduction des gaz à effet de serre notamment dans le développement des énergies renouvelables et l’économie d’énergie. L’ambition, comme il a été recommandé par le Groupe Intergouvernementale d’experts sur l’évolution du climat lors de son dernier rapport rendu publique à Copenhague le 2 Novembre, est de limiter la hausse moyenne des températures à 2 °C. D’autre part, le troisième objectif relatif à l’efficacité énergétique a suscité une vague de critiques de la part des experts qui jugent très faible par rapport à la capacité de l’Europe et par rapport à la crise énergétique que vit l’Europe à cause des situations instables en Ukraine et dans le Moyen Orient. L’économie d’énergie doit être une priorité en Europe, selon les experts.
Les pays pauvres risqueraient de subir le fardeau des actions des pays les plus riches si d’autres pays puissants comme les Etats Unis d’Amérique n’afficheront pas des engagements plus ambitieux. De telles actions de réduction d’émission de carbone doivent être accompagnées par des mécanismes de solidarité, en faveur des pays en développement, qui peuvent être mobilisés en réhabilitant le marché carbone qui connait une régression fulgurante ces dernières années. Des projets de modernisation des infrastructures électriques et d’économie d’énergie, le développement des énergies renouvelables, le transfert de technologie et de connaissance et le renforcement des capacités sont autant de projets qui doivent être financés en puisant du fond carbone ou le fond vert qui n’a pas encore vu le jour. Des projets d’interconnexions Sud-Nord doivent être également financés par les pays développés pour éviter la surcapacité de la production d’électricité d’origine renouvelable dans les pays du sud, où se trouve le plus grand potentiel renouvelable notamment solaire, pour assurer la pérennité de leur production et pour sécuriser le marché.
L’Europe a déjà fixé le cap de 40 % de réduction d’émission de C02, il convient donc à d’autres pays développés de faire de même. Cependant, il est clair, qu’à l’instar du cap déjà fixé par l’Europe, les négociations internationales devant aboutir à un nouveau régime climatique pré-2020 lors de la Conférence de Paris l’an prochain, s’annoncent difficiles pour les pays en développement qui ne sont pas historiquement responsables du réchauffement climatique et qui n’ont pas les moyens pour faire face et s’adapter aux conséquences des changements climatiques, et pourtant ils sont les plus vulnérables. Un régime climatique contraignant pour tous les pays, y compris les pays en développement, ne va pas sans conséquence sur la croissance économique et la sécurité alimentaire de ces derniers, s’il n’est pas accompagné par des mécanismes de solidarité déjà mentionnés.
Les négociations internationales doivent inciter les pays développés à faire preuve de solidarité envers les pays en développement en réhabilitant le marché carbone qui n’est pas un fardeau pour les pays en développement si les prochaines négociations climatiques ne les obligent pas à faire de l’atténuation et les accompagnent plutôt de mettre en place les mécanismes d’’adaptation. Dans ce dernier cas, plus le marché carbone est important plus c’est bénéfique pour les pays du sud.
Prof. Noureddine Yassaa, Directeur du CDER
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